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  • mmaurice0

La philosophie au service du risk management

Aristote et mon banquier


Les deux personnes qui m’ont conduit au management du risque sont Aristote et mon banquier. Aristote à travers la vertu maîtresse de sa philosophie politique et de l’action : la « phronesis », que nous appelons maladroitement la « prudence » en français, mais que les anglais ont plus subtilement traduit par « practical wisdom » (sagesse pratique). Mon banquier à travers ses séances de questionnement de mon appétence au risque. Séances en réalité peu intéressantes et se résumant à une question alternative : préférez vous 1) un gros gain moins probable, 2) un gain moyen moyennement probable, 3) un faible gain très probable ? Et cela m’a toujours semblé très peu satisfaisant. Je garde mon banquier pour un prochain article et vous présente quelques réflexions autour de la philosophie d’Aristote.



Aristote au service du management du risque

La prudence, c’est l’art de bien décider


De Socrate à Nietzsche, de Confucius à Sartre, le thème du « risque » est un leitmotiv de la philosophie et le management du risque s’enracine dans des traditions de pensée particulièrement riches et variées. Chez Aristote, dans l’Ethique à Nicomaque et l’Ethique à Eudème, la prudence est décrite comme la vertu de la délibération, qui nous permet de prendre des décisions avisées et efficaces : c’est la sagesse et l’efficience de l’action. Pour Aristote, la personne prudente est celle…


1) Qui s’interroge sur le sens de l’action, questionne les conséquences de nos actes et s’efforce de choisir des objectifs adaptés à nous même et à la préservation du bien commun. Et c’est là le premier principe du management du risque : garder en ligne de mire le sens de l’action, appréhender les choses dans leur complexité, assumer une responsabilité vis-à-vis de soi-même et de la collectivité.


2) Qui agit au bon moment en tirant parti des opportunités : c’est le fameux « Kairos » de la pensée grecque, le « moment favorable » quand l’environnement est prêt et nous dispose à avoir de la chance. Et c’est là un second principe du management du risque : le risque et l’opportunité se managent simultanément et non séparément. Et l’on prend un grand risque à laisser passer ces « bons moments » et ces opportunités.


3) Qui agit de façon lucide, intelligente et avisée : chez Aristote, les deux défauts de caractère opposés à la prudence sont la bêtise – le fait de se comporter en lourdaud, naïf et maladroit– et la fourberie – le fait de se montrer sournois et tordu dans ses raisonnements. Connais-toi toi-même, c’est le début de la sagesse. Et c’est là le troisième principe du management du risque : la recherche d’équilibre, entre « paranoïa » et « naïveté ».


4) Qui éduque son intelligence, car les biais cognitifs et comportementaux sont au cœur de la philosophie de l’action d’Aristote. Convaincu, bien avant Daniel Kahneman de l’importance de ces biais, qu’il appelle des « habitus », il décrit par le menu l’éducation qui permet d’apprendre à mieux raisonner et à bien agir. Ce n’est pas pour rien qu’Aristote fut le précepteur d’Alexandre le Grand ! Et c’est là le quatrième principe du management du risque: décoder et maîtriser les biais cognitifs, personnels, organisationnels, culturels.


5) Et qui agit de façon efficiente, en articulant habilement les objectifs et les moyens et en tirant parti de l’environnement, du contexte. Car la philosophie d’Aristote est une philosophie de la réussite : l’Homme (avec un grand H) prudent est un Homme qui calcule, qui évalue des scénarios, qui entreprend et qui réussit. En matière de management du risque, l’évaluation lucide des scénarios d’action et de leurs conditions de réussite est essentielle.


La formation au management du risque, à la suite d’Aristote, est d’abord une aventure humaine et un parcours personnel qui va bien au-delà des outils traditionnels de cartographie des risques associés à des indices de probabilité et de criticité. C’est une discipline de vie qui consiste à questionner le sens de l’action, à mesurer et à assumer l’étendue de sa responsabilité vis-à-vis de soi-même et des autres, à viser une action juste et efficiente, à nous montrer lucides sur nos biais cognitifs et comportementaux et à créer les bonnes fenêtres de tir pour agir au bon moment et tirer parti des opportunités.

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