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csoisson

Une équipe dans l'urgence

Dernière mise à jour : 1 mars

Certains épisodes de vie intenses et critiques peuvent survenir sans prévenir. L'anecdote que je vais évoquer ici s'est déroulée au cours d'un séminaire d'entreprise. Un drame a été évité. Et dans la perspective des organisations authentiquement fiables, a-posteriori, il y a de sacrés enseignements à en tirer.


Toute une équipe était conviée à ce séminaire, une petite centaine de personnes. Les activités ludiques et les temps de travail alternaient, comme il est d'usage. Tout cela se déroulait en bord de mer, en France, dans une bonne ambiance.


Au cours d'une partie de mini- football sur la plage, un joueur s'effondre. Les autres joueurs se pressent autour de lui. Rapidement toute l'équipe, répartie en diverses activités, se regroupe. Le collaborateur, appelons-le Pierre, gît à terre, inanimé.


Lorsque le patron de cette direction arrive, il constate que les membres de l'équipe qui ont suivi une formation de secouristes sont déjà à l'œuvre et tentent de ranimer Pierre. Ils pratiquent des massages cardiaques et du bouche-à-bouche, mais Pierre ne respire plus et son cœur ne bat plus.


Au bout de quelques minutes (difficile de donner une mesure au temps), la situation paraît désespérée. Pierre n'a montré aucune réaction, son visage devient bleu. La sidération et la peur s'emparent de l'équipe. Un collaborateur se met à tourner autour du groupe qui tente de ranimer Pierre en disant : "C'est foutu les gars, arrêtez tout".


Le patron a le réflexe de repousser ce collaborateur, sans ménagement, lui ordonne de se taire et il se positionne avec les secouristes, demande à prendre la relève, pompe comme ceux-ci lui disent de faire.


Mais toujours rien. On a appelé le 15, mais personne ne vient.


Le groupe de secouristes n'a jamais cessé de pomper et de ventiler et tout-à-coup, 2 ou 3 collaborateurs arrivent hors de souffle. Ils jettent sur le sable un kit de défibrillation en disant: "J'ai été chercher ça, maintenant à vous de faire, moi je ne sais pas m'en servir". Ils étaient partis l'emprunter à un club de plage.


Les secouristes positionnent les électrodes. A la deuxième ou troisième secousse, Pierre réagit, il tousse. Son cœur est reparti, il respire ! Il faut le mettre sur le côté, le patron demande d'attendre, il n'en sait rien mais il a peur que ce filet de souffle ne s'interrompe, puis il donne l'ordre. Pierre tousse puis vomit, son visage n'est plus bleu. On lui parle, il réagit.


Un autre groupe de collaborateurs arrive alors, toujours en courant, accompagné de pompiers, qu'il a trouvés en ville en train de faire un exercice. Les hommes du métier prennent le relais. Pierre est chargé dans le véhicule d'urgence.


Pierre est hospitalisé, stenté. La RH et le patron sont à son chevet à son réveil, la RH a appelé son épouse et pris en charge le taxi qui lui fera traverser la France.


A l'hôpital, on leur explique que la survie en cas d'arrêt cardiaque est rare car les secours arrivent généralement trop tard.


Le soir, l'équipe fait une fête formidable.


La RH mettra en place un soutien psychologique dans les jours suivants, qui sera très utile car le traumatisme est fort.


Pierre reprendra son poste quelques mois plus tard, et, lui qui était déjà très apprécié, il n'aura sans doute jamais été aussi entouré d'attentions au bureau ! Il n'a aucune séquelle.


Cette anecdote qui se termine bien illustre un ressort essentiel d'une organisation authentiquement fiable. Dans une situation imprévue, jamais répétée, à laquelle ne correspondait aucun "processus", celle-ci a réagi admirablement.


Une chaîne d'actions s'est formée. Plusieurs initiatives se sont mises en place spontanément, dans lesquelles chacun a cherché la complémentarité avec ce qui existait déjà. Le patron n'a émis aucune instruction, mais il a donné l'exemple, bloqué la mauvaise initiative et relancé l'action quand elle aurait pu faiblir.


Esprit d'initiative, courage de l'action, recherche par chacun de la complémentarité avec les autres (ce qui nécessite à la fois d'avoir le sens de l'action commune et de connaître les actions des autres), patron régulateur, élagueur et encourageur sont 4 éléments majeurs d'une organisation authentiquement fiable. Ils permettront à cette dernière, aussi bien de mener une action longue, complexe, processée et planifiée, que de réagir dans l'urgence et de façon adéquate à des imprévus ; car dans tous les cas, elle tire le meilleur parti des talents qui la composent et de leur capacité d'adaptation au terrain.


Ce jour-là, cette équipe a fait un petit miracle. Dans son activité professionnelle, elle en faisait bien d'autres.


2 Comments


Mahbod Haghighi
Mahbod Haghighi
Dec 03, 2021

Expérience certainement traumatisante. Heureusement pour tous que ça s'est finie en "happy end". Le patron doit être encore plus apprécié depuis puisqu'il a réussi à assumer son rôle. Les autres membres du groupe qui ont pris des initiatives doivent également être fiers de ce qu'ils ont fait. Reste à gérer et déculpabiliser ceux qui n'ont rien fait et celui qui était désespéré (et désespérant). C'est un très bon exemple de collaboration dans la confiance et dans l'urgence. Merci d'avoir partagé cette "histoire".

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csoisson
Dec 03, 2021
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Merci pour ce commentaire, cher Mahbod. Effectivement les personnes qui ont été les plus actives dans cette histoire en ont certainement été fières et surtout heureuses. Mais ceux qui n'ont pas agi ce jour-là ont bien fait, car ils auraient créé de la cacophonie. Se retenir d'agir pour agir, parce qu'on n'a pas vu quoi faire d'utile, est en soi bien agir - et ce n'est pas forcément le plus facile. On le voit d'ailleurs dans l'action du collaborateur qui dit d'arrêter : ce n'était en tout cas pas son rôle de décourager les autres. En situation de crise, si l'on a un rôle à jouer, on en ressent personnellement la responsabilité, sans échappatoire. Tel ou telle qui, ce jour-là,…

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