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  • csoisson

Chat-PDG



1.


Philippe est un DG d’une haute capacité intellectuelle, et il sort d’une école où l’on enseigne le management, si on l’enseigne, comme une science mathématique.


Devant toute décision à prendre, il mène un examen extraordinairement sophistiqué. Il épuise ses collaborateurs de demandes d’analyses infiniment ramifiées, fait varier de multiples paramètres, interroge la validité des hypothèses. S’il pense décider « blanc », il prend quelques collaborateurs de différents niveaux, en direct, leur annonce qu’il va décider « noir », observe leurs réactions, sonde leurs convictions et pèse leurs arguments. Tout le monde reconnait son cerveau remarquable et sa méthode sans faille.


Hélas, le monde des entreprises se ramène très rarement à des environnements déterministes dont les variables seraient connues. Et dans de très nombreux cas, Philippe ne décide donc rien.


Il est cependant conscient qu’une non-décision est une décision. Ne serait-ce que parce que ses collaborateurs prendront les dispositions qu’ils estiment nécessaires si lui-même ne le fait pas.


Or le modèle de l’entreprise est hiérarchique et Philippe se doit d’affirmer son autorité.


Le dilemme est aisément résolu : lorsqu’il ne décide pas, soit dans la majorité des cas, il laisse sa DRH, qui n’y connait rien, rendre les arbitrages.


Le chef est ainsi flanqué d’un fou du roi qui, après d’intenses périodes d’analyses du chef, prend la majorité des décisions, dont tout le monde est d’avis qu’elles sont totalement arbitraires.


Et ainsi va l’entreprise. Les arbitrages sont rendus. Le principe de l’autorité est maintenu. L’entreprise engage tous ses moyens, qui sont considérables, dans les options décidées.


De tout cela, il résulte que les décisions ainsi prises ne sont pas moins couronnées de succès qu’ailleurs.


2.


Lorsque l’on édifia le siège parisien de la holding de l’entreprise « BigX », on planta dans la petite cour un pommier.


Peu de gens savaient que le PDG du groupe avait souhaité que le pommier en question provienne de sa propriété en Normandie. Appelons ce PDG « Marcel ».


Le responsable du projet se disait : « quelles que soient les difficultés du projet, tant que le pommier de Marcel survit, je survivrai ».


Alors tous les soins sont donnés à ce pommier. On l’arrose, on le gave d’engrais, et bientôt le responsable affecte un jardiner au seul soin de l’arbre.


C’est au point que dès la 1ère année, l’arbre transplanté produit deux floraisons et deux récoltes successives de pommes.


L’arbre devient une légende. Le chef du restaurant de prestige de la holding a alors l’idée de servir en dessert aux invités de marque une tarte fine aux pommes du verger de la maison.


En coulisse, on indique aux heureux bénéficiaires que ce sont les fruits du pommier de Marcel.


Mais la réalité est que l’on n’ose pas servir les fruits de cet arbre dopé de substances qui ne sont licites que dans le monde végétal. Et le chef achète donc nuitamment des pommes au marché, en faisant croire que ce sont celles de l’arbre miraculeux.


In fine, bien que le projet ait connu quelques difficultés, chacun aura conservé sa place, et une nouvelle légende sera née dans l’entreprise.


Il va de soi que les pommes servies au club sont délicieuses et parfaitement bio, ce qui est strictement exact.


3.


Comme tout le monde, j’ai testé chat-GPT.


J’ai tout d’abord découvert que cette IA ment comme elle respire. Etant entendu qu’elle ne respire en fait pas, mais enfin elle ment comme si elle respirait vraiment, et à grandes bouffées.


Vous m’aurez deviné, c’est ce trait qui la rend la plus humaine.


La raison de cela est que chat-GPT ne réfléchit pas pour répondre, mais produit la suite la plus probable de la conversation. Ou la moins improbable lorsque la donnée vient à manquer.


Que deviendrait ce principe appliqué aux décisions d’entreprise ?


Après tout, ce ne serait pas plus innovant que ce qui a déjà été demandé aux IA sur les plateaux d’échec ou de go : elles ne computent pas les combinaisons, mais elles fournissent le coup gagnant le plus probable selon leurs bibliothèques de parties. Et elles battent ainsi les meilleurs joueurs humains du monde, qui d’ailleurs ne fonctionnent pas autrement eux-mêmes.


Le même principe, en matière de décision d’entreprise, amènerait l’IA d’entreprise – appelons-la chat-PDG – à prendre des décisions vraisemblablement erronées, si l’on se réfère à la multitude de biais qui affectent les décisions humaines qu’elle aurait pris en référence, que les 2 exemples précédents illustrent.


Erronées certes, mais pas plus que la moyenne des décisions humaines, par construction.


On pourrait même penser que si chat-PDG prenait successivement et continûment des décisions pas plus mauvaises que la moyenne des décisions humaines, elle serait sans doute, sur la distance, le meilleur des décideurs d’entreprise jamais connu.


Mais bien sûr, je ne dispose d’aucun exemple scientifiquement établi pour produire une telle affirmation !😉


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